Moments de nostalgie vendredi dernier à l’ONG ALCRER. 30 ans, une histoire qui mérite d’être raconté. C’est à cet exercice que s’est livré Martin Vihoutou ASSOGBA, Directeur exécutif de l’Association de Lutte le Racisme, l’Ethnocentrisme et Racisme (ONG ALCRER). A la faveur d’une conférence publique organisée dans les locaux de l’association, il a rappelé les conditions de la création cette ONG qui, au fil du temps, s’est forgé une réputation de défenseur des droits humains, la promotion de la démocratie et de la bonne gouvernance. « En trois décennies, nous ne sommes pas restés tranquille. Il y a trop de choses que nous avons fait. Il y a trop de plaidoyers que nous avons portés. « En trois décennies, nous ne sommes pas restés tranquille » a partagé Martin Vihoutou ASSOGBA vebdredi dernier.

 

Retour sur quelques combats que nous avons menés pour le mieux-être des béninois et des béninoises

En 30 ans, nous avons initié et mis en œuvre une quarantaine de projets de développement sans compter les missions spéciales et notre action au sein d’organismes publics ou parapublics, nationaux, régionaux et internationaux dans lesquels nous avons siégé ou continuons de siéger au nom de l’exigence de la participation et grâce à notre ingénierie sociale. Il serait fastidieux de revenir sur chacun de ces projets pour en énumérer les changements qu’ils ont provoqués pour le pays. Je voudrais m’en tenir à quelques résultats majeurs.

1. Au milieu des années 2000, nous avons offert au Bénin le premier draft qui a permis d’élaborer la loi portant lutte contre la corruption et les infractions connexes : un magistrat nous a appuyé dans l’élaboration de cette première ébauche que nous avons confiée à Feu Tidjani Serpos pour la porter en tant que député à l’Assemblée Nationale. L’histoire retient que c’est encore ALCRER, en association avec le FONAC, qui a officiellement remis le 22 novembre 2019, un document faisant des propositions concrètes en vue de la relecture de tous les textes comportant des dispositions anti-corruption. Même si la loi portant lutte contre la corruption est aujourd’hui abrogée, nous demeurons engagés pour poursuivre le plaidoyer aux fins d’une amélioration continue du cadre juridique de lutte contre ce phénomène qui fait tant de mal à notre pays.

2. Point n’est besoin de revenir sur notre rôle de pionnier dans l’établissement de la liste électorale permanente informatisée (LEPI). Grâce au soutien conjoint de la DANIDA, de l’USAID et du PNUD, nous avons organisé en 2001 la première table ronde pour arrêter les modalités d’opérationnalisation de ce mécanisme devenu dix ans plus tard une réalité.

3. En 2006 et 2007, nous avons réussi à doter le pays du premier manuel de procédures permettant aux comptables publics de nos collectivités territoriales de produire les comptes de gestion, donnant ainsi l’occasion au Trésor public de mettre ces comptes en état d’examen et au juge financier de les apurer. Ce document réalisé grâce à ALCRER avec le soutien de l’USAID, approuvé par un décret pris en conseil des ministres en 2008, est resté en vigueur jusqu’en 2023 où, une fois, nous avons contribué à sa modification et à sa vulgarisation au profit des acteurs communaux nationaux, départementaux et communaux de la chaîne des finances publiques locales sur toute l’étendue du territoire national.
Toujours dans ce domaine, nous avons appuyé de 2018 à 2022 une cinquantaine de communes pour rattraper leur retard dans l’élaboration de leurs comptes de gestion sur la période de 2003 et 2015. Cet appui inédit dans notre pays en matière de production des comptes de gestion des communes permet désormais à la juridiction financière de pouvoir effectuer sa mission d’audit sur l’ensemble des comptes publics communaux.

4. En 2016, en collaboration avec d’autres acteurs tels que Social Watch Bénin et Transparency International, nous avons conduit un projet qui a évalué, pour la première fois dans l’histoire du Bénin, le système national d’intégrité (SNI). Ce fut un travail exaltant qui a permis au pays de se doter d’un plan d’action de lutte contre la corruption que le gouvernement a, jusqu’en 2020, élevé au rang de son document stratégique national de lutte contre ce fléau.

5. Il me plait de rappeler notre mécanisme des cellules de participation citoyenne (CPC) qui mobilisent plus de 1 155 organisations de la société civile à l’échelle des 77 communes du Bénin. Ce mécanisme inédit est un produit de notre génie créateur qui démontre notre capacité à concevoir et à mettre en œuvre avec succès des outils endogènes de renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance. Ces CPC concrétisent l’enjeu de la participation en suivant la mise en œuvre des politiques publiques, en servant d’interface entre les pouvoirs publics locaux et les populations et en rendant les gestionnaires publics redevables de leurs résultats. Par leur veille permanente, les CPC sont les principaux artisans du dialogue et du débat public dans les collectivités locales ; elles contribuent à la transparence dans la passation des marchés publics et à leur bonne exécution à travers le suivi citoyen des chantiers de construction d’infrastructures sociocommunautaires tels que les points d’eau, les ouvrages d’assainissement, les centres de santé, les écoles, etc.

6. Nous avons initié et accompagné depuis 2006 l’implémentation des audiences publiques de reddition des comptes, ce rendez-vous entre citoyens et gestionnaires publics pour discuter des résultats de développement et de la meilleure façon de gérer les ressources publiques. La première audience de reddition des comptes a eu lieu le 19 avril 2006 à Lokossa en présence de 58 citoyens. Aujourd’hui, l’exercice, approprié par la plupart des communes, mobilise en moyenne 200 à 300 personnes et on note de plus en plus d’audiences retransmises en direct ou en différé sur les radios locales, permettant ainsi d’impacter plus de citoyens. Mieux, une charte nationale encadre depuis 2016 l’exercice de ce rendez-vous entre citoyens et l’administration communale et elle a été approuvée en conseil des ministres en octobre 2017.

7. Le civisme est un important domaine dans le champ de nos interventions. C’est, pour nous qui travaillons énormément sur la réclamation des droits, l’occasion de montrer que l’homme n’a pas que des droits mais aussi des devoirs envers sa communauté locale, nationale et internationale. Nous avons élaboré des bandes dessinées (Awa et Mandela à l’école africaine de la culture du civisme, de l’éthique et de la morale pour la coexistence pacifique), des ouvrages didactiques dont certains ont reçu un accueil très favorable. C’est le cas, par exemple, du Manuel d’éducation civique et morale dénommé « Le guide du jeune citoyen modèle (TOME I) » et « Le Guide de l’apprenant et du jeune citoyen modèle (TOME II)» avec l’édition du document de planification des situations d’apprentissage.

8. Nous ne saurions passer sous silence une fonction essentielle de notre Organisation, celle d’être un bureau de plaintes ou de règlement des conflits familiaux et sociaux. Les plaintes, nous en recevons tous les jours. Nous ne voulons pas parler ici des disputes de ménages, du non-paiement des pensions alimentaires, des conflits d’héritage dont nous sommes quotidiennement saisis.
Grâce à l’instruction de ces dossiers, de nombreuses personnes spoliées ont été restaurées dans leur droit de propriété ; des personnes illégalement gardées à vue ont recouvré la liberté ; des étudiants boursiers écartés ont pu faire finalement leurs voyages d’études ; etc. Lorsque, dans cette foule de plaignants, vous voyez des juges, des avocats, des policiers, des anciens ministres venir demander l’aide de l’ONG ALCRER, c’est alors que vous comprenez que la défense des droits humains a un sens et que la distance qui nous sépare d’un véritable Etat de droit est encore grande. Au fil des ans, nous avons eu la conviction que, dans ce domaine, les acquis ne sont pas permanents et que la veille doit rester à toute épreuve.

Extrait du discours inaugural du vendredi 20 Décembre 2024

 

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