Entre 2023 et 2024, environ 39 communes ont été appuyées pour réaliser la version citoyenne de leurs budgets primitif et comptes administratifs. Un exercice de transparence destiné à assurer l’information des citoyens et qui s’est révélé être un outil d’aide à la décision pour les élus et un instrument de demande de comptes pour la société civile. L’activité a bénéficié de l’appui de trois partenaires techniques et financiers : l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas, la Coopération Suisse et la GIZ.
« Avant on ne connaissait rien du budget de notre commune même pas le montant. Aujourd’hui, on a quelques chiffres sur ce que la mairie veut faire au cours de l’année », déclare Norbert, soudeur rencontré à la Maison des jeunes d’Akpro-Missérété, devant la bâche représentant le budget citoyen de sa commune. Satisfaction et reconnaissance. Ce sont les sentiments qui dominent dans le public lors des séances organisées par la société civile pour vulgariser la version citoyenne du budget et du compte administratif des communes. « Merci à PartiCiP au DEL pour cet outil. Maintenant que c’est fait une fois dans notre commune, c’est à nous de l’exiger désormais chaque année », confie Marcelline Nouatin, secrétaire de la cellule de participation citoyenne (CPC) de la commune d’Adjohoun
Ces deux dernières années, le programme de participation citoyenne aux politiques publiques au Bénin pour le développement économique local (PartiCiP au DEL), mis en œuvre par l’ONG ALCRER, le Réseau Social Watch Bénin et VNG International, a mis à la disposition des communes des experts en finances locales pour les aider à synthétiser le budget communal pour les populations.
L’exercice de synthèse se fait au moyen d’un canevas préalablement défini autour de quelques chiffres à présenter au public : le montant du budget et son évolution par rapport à l’année précédente, les recettes et les dépenses envisagées dans l’année, la part que la commune a consacrée à certains investissements sectoriels dans le budget : eau, éducation, santé, pistes rurales, agriculture, équipements marchands, tourisme, etc.
Ces informations fournies par la mairie sont portées sur divers supports : des plaquettes distribuées lors des séances de vulgarisation du budget simplifié puis des bâches grandeur nature déployées à des lieux publics (l’entrée des marchés, devanture de la mairie, des bureaux d’arrondissement, des maisons des jeunes, etc.) pour permettre à tout passant d’avoir quelques chiffres clés sur le budget.
Ces informations sur les investissements publics sectoriels intéressent beaucoup les OSC locales. « En fait, c’est ce que gagnent les populations en termes d’accès aux services sociaux de base. Donc la part du budget consacrée à certains secteurs nous permet de mesurer l’engagement des élus et de l’administration à satisfaire les besoins des populations. Lorsque nous constatons que les secteurs vitaux n’occupent pas une place importante dans le budget, cela nous fait un point de plaidoyer pour le prochain budget », souligne le coordonnateur de la CPC de Lokossa.
Un grand engouement dans le rang des autorités communales
Si elle sert pour la société civile locale à demander des comptes à l’administration, la version citoyenne du budget a également une utilité non seulement pour les cadres techniques mais aussi pour les élus. L’administration communale y voit un outil facilitant la communication avec les citoyens : « le budget citoyen nous a permis de trouver un canal simplifié de présenter en peu de mots, de chiffres et d’illustrations, ce que les centaines de pages d’un budget ne permettent pas forcément de voir », explique Hector Aubin Adimi, responsable des affaires administratives et financières de la commune de Kérou.
Quant aux élus, ils ont vu dans le budget simplifié un moyen d’apprécier leur travail d’affectation des ressources lors du vote du budget. Pour la plupart des élus interrogés, le canevas présenté par PartiCiP au DEL permet de porter un nouveau regard sur la façon dont les ressources sont réparties et offre l’occasion de faire un exercice de cohérence entre la vision de développement de la commune, les documents de planification et les répartitions budgétaires effectuées.
Pendant les séances de vulgarisation, de nombreux élus ont éprouvé de la « gêne » face à la présentation de certains ratios du budget affectés aux secteurs prioritaires de leur commune : « dans des communes à vocation agricole ou qui aspirent à être des cités touristiques, on a observé des 0% affectés à l’agriculture ou au tourisme », témoigne Lavenir Boko, un des experts mobilisés pour appuyer les communes dans la simplification de leur budget.
« Lors du vote du budget, les choses ne nous sont pas présentées pour nous permettre de voir quel taux des ressources budgétaires est affecté à tel ou tel secteur. Désormais, nous demandons aux services financiers de nous présenter le budget sous cette forme allégée avant qu’on ne le vote », déclare un élu de la commune de Ouidah lors de la séance de vulgarisation du budget citoyen le 17 mai 2023.
Comme à Ouidah, des élus de plusieurs communes ont exigé que la version citoyenne telle que conçue par PartiCiP au DEL leur soit présentée avant le vote du budget. Mieux, des communes comme Kérou ont désormais prévu des lignes budgétaires pour simplifier les documents de planification et du budget. « Aujourd’hui, nous disposons des outils pour continuer à réaliser nous-mêmes la version citoyenne du budget et du compte administratif », assure Gérard Nakou, responsable des systèmes d’information des communes de Ouassa-Pehunco et de Kouandé. En effet, le programme PartiCiP au DEL a, lors de son appui, transféré aux communes la version modifiable du canevas du budget citoyen.
La réalisation de la version citoyenne du budget communal est un acquis dans les communes appuyées. Même des communes qui n’étaient pas initialement prévues pour bénéficier de l’appui de PartiCiP au DEL se sont mises à l’exercice. C’est le cas de Kouandé, Klouékanmè et Lalo.
En dehors du budget, PartiCiP au DEL promeut le même exercice de simplification pour le compte administratif qui est le document par lequel l’administration communale rend compte de l’exécution du budget. Environ 28 communes ont ainsi déjà été appuyées.
ENCADRE : les fondements de la simplification du budget communal
L’idée de réaliser une version simplifiée du budget est venue d’un constat « dérangeant » selon Luc Gandémey, chargé de programme Redevabilité financière à l’ONG ALCRER. « Très peu de gens cherchent à lire le budget dans les communes parce que le document du budget est trop volumineux et son contenu trop technique. Or les textes sont favorables à ce que les citoyens puissent rentrer en possession du budget. Sans une version simplifiée, les budgets communaux sont dans un format inaccessible pour le grand public », explique-t-il. Mieux, poursuit-il, « la contribution fiscale des populations représente plus de 66% des ressources propres de nos communes en 2023. Quoi de plus normal que ceux qui contribuent le plus aux ressources de la commune soient informés de comment ces ressources sont réparties. En sachant à quoi leur argent va servir, ils seront plus enclins à payer plus facilement les impôts ».
Pour Gervais Loko, chargé de programme à ALCRER, la simplification du budget est, pour les gestionnaires publics, une obligation reconnue par le code de transparence : « l’article 49 du code impose à l’administration publique d’élaborer et de diffuser un guide synthétique budgétaire clair et simple à l’intention du public lors de la confection du budget annuel, pour décomposer les grandes masses des recettes et des dépenses ainsi que leur évolution d’une année à l’autre ».